jeudi 28 janvier 2010

Lu et approuvé / Timing et monument(s)


De Françoise Choay, auteur il y a quelque années d'un excellent article sur le Musée du Quai Branly, l'un des rares à s'élever contre le geste architectural de Nouvel (Le Débat, n°147, novembre-décembre 2007) : si le monument est un "dispositif mémoriel intentionnel", le monument historique, "qui ne s'adresse pas à la mémoire vivante", "a été choisi dans un corpus d'édifices préexistants en raison de sa valeur pour l'histoire et ou de sa valeur esthétique", in Françoise Choay, Le Patrimoine en questions, Anthologie pour un combat, Le Seuil, 2010, cité par Sophie Flouquet, Journal des Arts, n°317, janvier 2010.

De Nathalie Heinich : "Le monument est devenu patrimoine en même temps que l'art devenait culture. C'est au prix de cette perte de sélectivité qu'on a gagné en extension spectaculaire du corpus", in Nathalie Heinich, La Fabrique du patrimoine, de la cathédrale à la petite cuillère, édition MSH, 2010, cité dans le même numéro du JDA.

Et quelques pages plus loin, toujours dans le même Journal des Arts, remercions Roxana Azimi d'intituler son article, consacré au choix de Christian Boltanski pour représenter la France à la prochaine Biennale de Venise, "Un train de retard".
Elle écrit "Les susceptibilités masculines sont sauves ! Boltanski est indéniablement un immense créateur. Mais avait-il besoin de cette reconnaissance hexagonale alors qu’il s’est déjà vu confier une « Monumenta » couplée à une exposition au Mac/Val, et qu’il va enchaîner les événements à New York puis sur l’île de Teshima, au Japon ? CulturesFrance a un train de retard, car l’artiste aurait dû remporter le pavillon voilà quelques années. Il est clair qu’à son degré de carrière et de notoriété, une biennale ne va pas changer sa vie. Il aurait été quelque part plus stratégique de donner le pavillon à Bertrand Lavier, autre monument qui n’a pas encore joui des honneurs de la République. Sans doute en bénéficiera-t-il dans quelques années. Quand cela ne lui fera plus « ni chaud ni froid » ? Surtout, on s’étonne que la France ne cherche pas à promouvoir sa jeune scène artistique qui tricote pourtant sa place dans les réseaux internationaux. Comme si CulturesFrance était inconsciente de l’effervescence de la scène actuelle et restait figée sur les grands totems supposés les plus exportables." 
Et de citer les noms de Tatiana Trouvé, Saâdane Afif, Raphaël Zarka, de rappeler l'âge de Fabrice Hyber et Pierre Huyghe lorsqu'ils remportèrent leurs prix à Venise.

Tout est une question de timing... et du rapport à nos monuments.

Après les chercheurs d'or...


Après les chercheurs d'or, les chercheurs d'images, raison sociale qui se multiplie à foison dans le monde de l'art, avec plus ou moins de bonheur.
Parmi cette catégorie d'artistes, citons les deux jeunes poètes-artistes new-yorkais James Hoff et Danny Selvon qui ont récemment réédité, avec l'Ugly Duckling Presse, la revue mythique 0 to 9' que Vito Acconci a dirigée avec Bernadette Mayer entre 1967 et 1969. A l'occasion de la soirée du 27 janvier au Centre Pompidou consacrée à Vito Acconci, ils ont proposé une ré-actualisation de leur performance Endless Nameless où il redonnait vie à des documents et images underground de la scène sixties new-yorkaise.

James Hoff dirige avec Miriam Katzeff l'association Primary Information. "Primary Information is a non-profit organization devoted to printing artists books, artist writings, out of print publications and editions. Primary Information was founded by James Hoff and Miriam Katzeff, who met while working at Printed Matter, a non-profit artist bookstore in New York. United by their mutual interest in artist publications, they formed Primary Information to foster intergenerational dialogue as well as to aid in the creation of new publications and editions."

A découvrir sur http://primaryinformation.org/
&
A rapprocher de la pratique de la performance de Tris Vonna-Mitchell, vu le samedi 16 janvier pour le finissage de son exposition au Jeu de paume. Plus qu'une performance, TVM nous a offert une restitution, un cours de liaison(s) après qu'il ait cherché les images et les traces d'Henri Chopin, le poète français. L'exposition ne prend alors sens que dans la performance et le récit que l'artiste fait de sa quête.
Cf. http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&sousmenu=13&idArt=1044&lieu=1

Tris Vonna-Michell
Performance à la Tate Triennial 2009, avril 2009, Tate Britain, Londres
Courtesy Jan Mot, BruxellesPhotographie : Richard Eaton


mercredi 27 janvier 2010

Le trompe-l'oeil après la Vanité ?



Tuning, 2009, huile sur toile, 60 x 50 cm


Photogram2009, huile sur toile, 120 x 150 cm


Vue de l'exposition Fragments and gaps jusqu'au 27 février 2010

La Galerie Zeno X, Anvers, présente l'artiste peintre illusionniste Kees Goudzwaard (1958). Etre intéressé par ses peintures et ses jeux optiques, notamment par l'utilisation du scotch sur la toile (faux, vrai, trompe-l'oeil...), est une chose, se demander si le motif du trompe-l'oeil va venir remplacer la vigueur puis l'affadissement et la prolifération commerciale désincarnée de celui de la Vanité en est une autre (au Musée Maillol, Paris, une très très mauvaise exposition met en lumière cette dérive actuelle par une présentation plus qu'hasardeuse, heureusement sauvée par quelques oeuvres dont un Paul Delvaux et un magnifique et très bizarre Daniel Spoerri). Le trompe-l'oeil dans le monde du tout-virtuel ?

Edward Collier, circa 1699.

www.zeno-x.com





Echos du jour 1 - Tas de vêtements, vêtements au sol

Parce qu'il est sûr que c'est dans le rapprochement, la vision simultanée des oeuvres et des pratiques que se crée du sens. 
De l'utilisation par différents artistes du vêtement et du tas, on peut se demander ce qui vient à l'esprit de la personne qui installe les bonbons de FGT contre un mur et non dans un coin, se demander comment on passe de la Venus antique, chargée de "rags" et cachant sa vertu dans une pile de vêtements, à la main de Dieu articulée électroniquement sur une pyramide de huit mètres, comment un vêtement allongé au sol s'investit de regards différents.



Michelangelo Pistoletto, Venus of Rags, 1967

Felix Gonzalez-Torres, Untitled (USA Today), 1990


Patrick Tosani, Noir, 2005

Christian Boltanski, Vue de Personnes, Monumenta 2010, Grand Palais, Paris





Specific Objects, Forms and Exhibition à Bruxelles



Au Wiels, Bruxelles, l'exposition Specific Objects without Specific Form, rétrospective consacrée à l'icône Felix Gonzales-Torres (1957-1996) est aussi une exposition spécifique.



Evidemment, c'est avec joie et intérêt que l'on retrouve l'oeuvre de cet artiste, oeuvre résistante à la présentation rétrospective (à la différence d'autres artistes pour qui cet exercice se révèle fatal et fort peu en adéquation avec leur pratique et leur pertinence. Cf. la rétrospective Lawrence Weiner au Whitney Museum, New York, 2008). 
Depuis Untitled (1988), "stack" première génération où les feuilles sont encore (maladroitement ? lourdement ?) posées sur un socle en bois pour être disponible au visiteur, aux dernières oeuvres comme la monumentale Untitled (For Stockholm), 1992, c'est à une histoire et à une présentation collectives des oeuvres d'ampoules, de bonbons, de "stacks" et des magnifiques puzzles qu'invite l'exposition, permettant de lire un parcours presqu'entier et de mesurer l'écart réussi entre présence conceptuelle et fragilité formelle. 
On en repart les poches plein de "candies" et avec l'envie de revenir voir la deuxième vie de l'exposition. 
En effet, du 16 janvier au 5 mars, c'est l'accrochage de la commissaire de l'exposition Elena Filipovic que nous pouvons découvrir. A partir du 5 mars, ce sera celui de l'artiste "néo-conceptuel", pour le dire vite, Danh Vo. Il ré-accrochera l'exposition, de façon salutaire. Non que l'accrochage présent soit mauvais - au contraire, à deux/trois réserves près (exemple : cette oeuvre fragile montrant quelques bonbons pour la toux posés sur un mouchoir, hyperboliquement placée au centre de Untitled (For Stockholm))mais c'est une histoire de goût -, mais une exposition comme celle-ci pose inévitablement la question de l'arbitraire voire même celle de la nécessaire présence des "reliques". Si chaque commissaire peut réaccrocher les oeuvres comme il le souhaite, est-ce alors nécessaire de faire venir l'oeuvre de son lieu de conservation et ne peut-on pas simplement utiliser une réplique... ? Relique/Réplique ? En posant au coeur du projet l'idée même d'appropriation de la présentation des oeuvres, celui-ci respecte la pratique de l'artiste et permet de ré-ouvrir à nouveau la disponibilité des oeuvres aux spectateurs.



Untitled, 1988. 
Piédestal en bois et photocopies, nombre illimité
Et une sélection de "Photostats". Photo: Thorsten Monschein
©The Felix Gonzalez-Torres Foundation, Courtesy of Andrea Rosen Gallery, New York.




Vues de l'exposition Specific Objects without Specific Form
Wiels, Bruxelles
Les spectateurs se servent, les gardiens discutent, 
le sol se voit et les rideaux sont mieux accrochés qu'à Venise.


Lien : http://www.wiels.org




samedi 23 janvier 2010

Les Nymphéas anversois




A la galerie Maes & Matthys, Anvers, la dernière série de tableaux (sur toile et sur bois, à l'acrylique et à la bombe) de Jean-Baptiste Bernadet, peintre français installé à Bruxelles (né en 1978).
Intitulé "What Happens Here, Stays Here", cet ensemble de dix-sept toiles de format identique propose une entrée dense dans la peinture, faite d'échos et de singularités. Couches superposées, accidents de peinture, réflexions sur la surface et la distance du regard. Au centre, des bancs (des "cercueils de basketteurs") invitent à la contemplation comme dans la fameuse salle du musée de l'Orangerie. 
A suivre chez Baronian-Francey (Bruxelles) en avril et au 55e Salon de Montrouge en mai...



New Look on Old Things, 2009, 62,5 x 52,5 cm



Pursuit of Happiness, 2009, 174 x 144 cm